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PRIVATION TOTALE DE SOMMEIL ET PERFORMANCE PHYSIQUE:EFFETS DE 30 HEURES DE PRIVATION DE SOMMEIL SUR L’ADAPTATION A L’EXERCICE PHYSIQUE DU LENDEMAIN ET DU SURLENDEMAIN (8ème Congrès de L’ACAPS — Macolin 1999) MOUGIN F.2, BOURDIN H.1, SIMON-RIGAUD M.L.1 & KANTELIP J.P.1 IntroductionBien qu’ayant fait l’objet de nombreux travaux, les effets des privations de sommeil sur la performance physique sont encore mal connus. La majorité des études a été consacrée aux conséquences de privations longues de sommeil sur les performances psychomotrices. En revanche, l’influence d’une telle dette de sommeil sur la capacité à tolérer un exercice prolongé sous-maximal et maximal et sur les réponses cardiorespiratoires et métaboliques à l’exercice musculaire conduit le lendemain et le surlendemain n’a jamais été étudiée. De manière empirique, les sportifs perçoivent une altération plus marquée de leur performance physique le surlendemain comparée à celle ressentie le lendemain dune privation de sommeil. Pour le vérifier, 8 athlètes
de sexe masculin, de niveau régional (âge : 22,1 ± 1,3 ans, taille
180,4 ±6,3 cm, poids: 71, 9 ± 7,1 kg) ont participé à cette étude.
Ils ont été sélectionnés en fonction de leur rythme veille-sommeil grâce au
questionnaire de Home et Ostberg (1976) et au calendrier de Bastuji et Jouvet
(1975), ainsi que sur leur aptitude physique et leur niveau d’entraînement.
Ces derniers critères ont été déterminés sur bicyclette ergométrique à
partir d’une épreuve d’effort progressivement croissante (50 W toutes les
2 minutes puis 10 W par minute) jusqu’à atteindre la VO2 max.
Celle-ci est en moyenne de 58 ± 6 ml/min/kg. Après une nuit de référence (nuit normale = R), le lendemain (J1) et le surlendemain (12) d’une privation totale de sommeil (correspondant à un éveil de 30 heures), une épreuve d’effort de 60 minutes a été réalisée à 14 heures, soit 3 heures après la prise d’un repas type “jour de compétition” comprenant 65% de Glucides, 20% de Lipides et 15% de Protides, équivalent à 1100 Kcal. Le protocole d’effort codifié a comporté une période d’échauffement de 5 minutes jusqu’à atteindre une puissance de travail égale à 70% de la VO2 max, une période d’état stable de 50 minutes poursuivie par une augmentation de la charge de travail de 10 W toutes les minutes jusqu’à la puissance maximale supportée, permettant de mesurer le pic VO2. La récupération est suivie pendant 30 minutes. Tout au long de l’épreuve et jusqu’à la 15 minute de récupération, l’ECG et la fréquence cardiaque sont surveillés. Le débit ventilatoire, la VO2 et l’équivalent respiratoire pour l’02 (ERO2) ont été mesurés grâce à un pneumotachographe et à des analyseurs rapides d’O2 et de C02 par une analyse en temps réel cycle par cycle. Des prélèvements sanguins, par cathéter intraveineux, mis en place au pli du coude ont été effectués pour évaluer l’évolution des lactates et du pH par microméthode sur sang artérialisé. Pour randomiser la date de passation des épreuves d’effort (lendemain et surlendemain), chaque sujet a été soumis à deux séquences de privation de sommeil (espacées l’une de l’autre d’une période de 15 jours) 1/ une première nuit sans sommeil avec exercice le lendemain et 2/ une seconde nuit sans sommeil avec exercice le surlendemain. Toutes les nuits, exceptées les nuits de privation de sommeil, ont été contrôlées et enregistrées polygraphiquement. Les nuits de privation de sommeil se sont déroulées au laboratoire de sommeil et les sujets étaient surveillés en permanence par un technicien pour contrôler les éventuelles baisses de vigilance Résultats Les résultats de ce travail montrent que la puissance maximale supportée est identique après une nuit de référence (273,7 ± 43,7 W) à celle développée le lendemain (266,2 ± 50,1 W) ou le surlendemain d’une nuit de privation de sommeil (258,6 ± 47 W). La fréquence cardiaque évolue de façon similaire que l’exercice soit réalisé après une nuit de sommeil normal, le lendemain ou le surlendemain de la privation totale de sommeil (tableau I). La ventilation à l’exercice sous maximal ou maximal est identique quelles que soient les conditions expérimentales. De même, la VO2 durant l’état stable et le pic VO2 est identique que l’exercice soit conduit le lendemain ou le surlendemain de la privation de sommeil. De plus, l’ERO2 augmente de façon similaire que l’exercice soit réalisé après la nuit de référence, après ou le surlendemain de la nuit de privation de sommeil. La lactatémie (tableau II) évolue progressivement avec l’intensité de travail et atteint des valeurs avoisinant 8 mmol/l lorsque la puissance imposée est stable. A l’effort maximal, la lactatémie atteint 12 mmol/L en moyenne et chute en récupération. Lorsque l’exercice est conduit le lendemain ou le surlendemain de la privation de sommeil, la lactatémie, bien que plus élevée, n’est pas statistiquement différente de celle mesurée après la nuit de référence, que l’effort soit sous-maximal ou maximal. Il faut noter que 2 sujets n’ont pu maintenir l’effort au delà de 20 minutes à puissance fixe, lorsque celui-ci était effectué le lendemain et le surlendemain de la privation de sommeil. Discussion Le type de privation de sommeil (30 heures d’éveil) envisagée dans cette étude ne s’accompagne d’aucune altération de l’adaptation à l’exercice à puissance fixe ou à puissance maximale. Toutefois, il faut noter que quelles que soient les conditions expérimentales (référence ou de privation de sommeil), il y a une mise enjeu précoce du métabolisme anaérobie (dès la fin de l’échauffement) avec un taux de lactates sanguin élevé, dépassant le seuil anaérobie lactique de 4 mmol/l, lors d’un effort pratiqué habituellement en aérobie (70% de la VO2 max). Cette exagération de la lactatémie est à mettre sur le compte d’une puissance fixe imposée trop élevée pour ces sujets. Ces résultats divergent de ceux obtenus lors d’une précédente étude (Mougin et al., 1996) montrant qu’une privation partielle de sommeil (induite soit par un coucher tardif, un lever précoce ou par une fragmentation de 3 heures de sommeil en milieu de nuit) avait des répercussions néfastes sur la performance physique prolongée se manifestant par une exagération de la fréquence cardiaque, du débit ventilatoire et de la lactatémie à même puissance de travail. L’ensemble des données laisse penser que l’absence totale de sommeil perturbe moins l’adaptation à l’exercice musculaire qu’une fragmentation de sommeil en milieu de nuit. Tableau I: Fréquence cardiaque (batt/min) observée
à l’exercice après une nuit de
Tableau II: Lactatémie
(mmol/l) observée à l’exercice après une nuit
de référence, le lendemain (J1) et le surlendemain (J2) d’une
privation totale de sommeil
ES = ETAT STABLE
R J1
J2
test t
test t
test t Références MOUGIN F., BOURDIN H.,
SIMON-RIGAUD M.L., DIDIER J.M. & KANTELIP J.P. (1996). Effects
of a selective sleep deprivation on subsequent anaerobic performance. Jnt. J.
Sports Med, 17(2): 115-119. MOUGIN F., SJMON-RIGAUD M.L., DAVENNE D., RENAUD A., GARNIER A., & KANTELIP J.P. & MAGNIN P. (1991). Effects of sleep disturbances on subsequent physical performance. Eur. J. Appl. Physiol., 63 : 77-82.
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