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La détection du surentraînement ou, plus précisément, le diagnostic précoce de cet état, est certainement l’une des clés de l’optimisation de la performance physique du sport moderne. En effet, pouvoir optimiser l’équilibre
« fragile » entre la fatigue induite par les charges d’entraînement
(stress) et la faculté de récupération de l’organisme, serait un
moyen de protéger l’athlète contre ce syndrome. La prévalence de ce dernier
ne cesse de croître avec les pratiques physiques de plus en plus intenses.
Toutefois, ce processus adaptatif présente des états intermédiaires
transitoires (e.g. fatigue, surmenage,…) qui compliquent la compréhension des
mécanismes impliqués. Ainsi, il existe un continuum entre les signes de fatigue liés à l’entraînement et ceux qui accompagnent l’installation du syndrome de surentraînement. Où est la limite ? Il est bien difficile de définir le point où la simple fatigue se termine et où le surentraînement commence. Cependant, les causes sont complexes (associant altérations physiologiques et troubles psychologiques) et peu d’éléments fiables sont actuellement disponibles. Parmi les moyens de diagnostics cliniques disponibles, le plus accessible est certainement le dosage des paramètres sanguins. Ce dernier point devrait être plus efficace lorsqu’il est effectué dans le cadre d’un suivi physiologique (métabolique, cellulaire et biologique) longitudinal des athlètes. Enfin,
la gestion et la compréhension d’un tel état constitue probablement une des
voies les plus conséquentes dans la lutte antidopage. Parmi les marqueurs potentiels du surentraînement, on note: - La créatine kinase(CK), la vitamine E (vit. E), la troponine I (TrI) et la myoglobine(Mgb). Ces dernières pourraient être utilisées comme témoin du surmenage musculaire (Sorichter et al. 1997) en reflétant une perméabilité membranaire accrue. En effet, en cas de traumatismes musculaires sévères, CK, TrI et Mgb augmentent, alors que la vit. E diminue (relation liée au stress oxydatif et à la libération de radicaux libres). - Les métabolites nucléotidiques comme l’IMP (monophosphate d’inosine) et NH4+ augmentent nettement au cours d’un exercice extrême (Leitzmann et al. 1991). Le dosage de ces derniers pourrait témoigner d’une mauvaise récupération. - Une diminution de la lactatémie d’exercice pour une même intensité sous maximale a été constatée chez des athlètes surentraînés (Jeukendrup et al. 1994). Ce dernier résultat, très controversé, peut être expliqué par une réutilisation (oxydation) de cet ion via la navette lactate. Enfin, une diminution de la lactatémie de fin d’effort maximal est régulièrement rapportée chez les athlètes surentraînés (Jeukendrup et al. 1994). Les raisons physiologiques d’un tel résultat sont encore confuses. - Une diminution du rapport tryptophane/acides aminés branchés entraîne une entrée importante de tryptophane dans le cerveau. Ce dernier en se convertissant en sérotonine (5-HT), réduirait l’excitabilité des motoneurones pendant l’exercice (Struder 2001) et limiterait la réponse hormonale hypothalamique (Lehmann et al. 1996). On parle alors de fatigue centrale. La mesure de ce rapport a été proposée pour détecter le surentraînement. Cependant, il semblerait que ce phénomène soit visible uniquement chez les sportifs endurants (Gastmann et al. 1998) et non pas chez les sportifs sprinters (Lehmann et al. 1996). Ainsi, une baisse de ce rapport pourrait être utilisée comme outil de diagnostic du surentraînement chez les athlètes endurants (Newsholme 1994). - Une diminution des concentrations plasmatiques en leptine a été observée au stade précoce du surentraînement (Lehmann et al. 2000). - La baisse de la glutamine (acide aminé métabolisé par les lymphocytes et les macrophages) laisse supposer une chute des défenses immunitaires (immunossuppression). Cet état a pu être observé chez des athlètes surentraînés (Gabriel et al. 1998). Par ailleurs, le rapport CD4/CD8 (sous classe des lymphocytes T) classiquement abaissé pendant l’exercice, chute nettement plus chez les sportifs surentraînés (Mackinnon et al. 1997). Toutefois, la complexité du système immunitaire réduit fortement la clarté de ses relations avec l’état de surentraînement. Il semblerait cependant que le dosage conjoint des interleukines 1 et 6 (IL-1 et IL-6) ainsi que le TNF-alpha (tumor necrosis factor) augmente la précision du signe inflammatoire (musculaire, tendineux, articulaire) lié à la fatigue chronique du surentraînement. - Le dosage de certaines hormones circulantes comme le cortisol et la testostérone est « classiquement » effectué pour détecter l’état de surentraînement. En effet, une chute de plus de 30 % ou des valeurs < à 0.35 x 10-3 du rapport testostérone libre/cortisol seraient utilisées comme témoin anabolique du surentraînement dans les sports de vitesse ou de résistance (Fry et Kraemer 1997). Même si des variations de repos ont été constatées, limitant ainsi l’efficacité d’un tel marqueur (Verde et al. 1992), le rapport cortisol/testostérone reste un des marqueurs endocriniens les mieux documentés dans le diagnostic de ce syndrome. Maso et al. (2000) ont montré qu’il est très bien corrélé au score de surentraînement de la SFMS et également, de façon un peu plus lâche, au plus classique questionnaire du POMS (Profile 0f Mood States) (McNair DM et al., 1971) . - L’anémie du sportif surentraîné représentée par une baisse du fer et de la ferritine plasmatique est loin d’être une généralité. - L’exploration du métabolisme énergétique apparaît comme une voie importante dans le diagnostic du surentraînement. Traditionnellement, la déplétion glycogénique est un des plus classiques mécanismes proposés pour expliquer le surentraînement. En tant qu’hypothèse explicative, cette théorie est aujourd’hui abandonnée. Il est néanmoins exact que cette déplétion est fréquente dans ce contexte, et est une cause bien connue de fatigue par manque de substrats disponibles. Cependant cette déplétion n’est pas indispensable à la survenue du syndrome.Il convient de parler aussi des hypoglycémies d’effort. Ces dernières ne sont pas exclusives du syndrome de surentraînement. Les hypoglycémies au cours de l’exercice surviennent chez des sujets dont l’organisme est caractérisé par un débit d’utilisation des glucides très important au niveau du muscle, du fait de valeurs élevées d’insulino-sensibilité et d’efficience glucidique. En fait, l’entraînement sportif met en place des mécanismes de résistance contre l’hypoglycémie d’exercice en modifiant l’utilisation des substrats énergétiques et en modifiant les adaptations hormonales à l’effort. Ces mécanismes peuvent être mis en défaut à la suite d’erreurs nutritionnelles, comme par exemple un repas très riche en sucre (hyperglucidique) précédant l’exercice et occasionnant un pic d’insuline qui «bloquera» la libération compensatrice de glucose par le foie. Ils peuvent également être mis en défaut dans le contexte du surentraînement sportif dans le cadre d'un dérèglement endocrino-métabolique, puisque le système des hormones hyperglycémiantes dites de «contre-régulation» est perturbé. Ces hypoglycémies sont une cause de fatigue et d’arrêt de l’exercice. Les collations glucidiques inadaptées avant les efforts favorisent souvent ces hypoglycémies d’effort. C’est pourtant la diététique qui en constitue la meilleure prévention, mais il faut prévoir des collations suffisantes en volume, programmées au bon moment, et avec un index glycémique bas. En réalité, plutôt que de parler seulement de glycémie ou de glycogène, il faut analyser ces aspects de l’entraînement et du surentraînement en termes d’utilisation des substrats au cours de l’exercice. Pour simplifier, on peut faire abstraction de l’utilisation des substrats protidiques et ne considérer que les glucides et les lipides comme carburants de l’organisme à l’effort. Selon les conditions nutritionnelles et métaboliques (disponibilité des substrats, typologie des fibres musculaires, ...) l’organisme utilisera de façon plus ou moins importante les lipides, carburant très énergétique et dont les réserves sont pratiquement inépuisables. Ces lipides sont une source d’énergie très efficace pour les exercices prolongés de puissance faible ou moyenne. Cependant, dans les puissances élevées, ce sont les glucides que l’organisme utilisera de façon préférentielle, malgré les quantités très limitées de réserves disponibles. L’entraînement et le surentraînement modifie tous deux cette balance des substrats à l’exercice. En effet, une étude récente explorant le profil métabolique d’athlètes très entraînés a montré, que l’état précoce de surentraînement (diagnostiqué à l'aide de questionnaires), faisait chuter l’utilisation des glucides au cours de l’effort intense (Manetta et al. 2002b). Ce résultat corrobore ainsi deux études antérieures (Petibois et al., 2000 ; Urhausen et al. 1997) et présente l’analyse des substrats énergétiques comme un déterminant important du diagnostic précoce du surentraînement. Finalement, nous avons proposé de distinguer deux types d’entraînement: celui qui amplifie l’aptitude à oxyder des lipides (entraînement à puissances faibles) et celui qui accroît l’aptitude à oxyder des glucides (entraînement à puissances élevées et/ou exercice intermittent). Le surentraînement inverse ces deux effets, certainement pour des raisons plurifactorielles dans lesquelles les modifications de réponse endocrinienne jouent sans doute un rôle. - Un nouvel axe de recherche dans la détection du surentraînement semble se confirmer avec le dosage des hormones de l’axe somatotrope. En effet, depuis quelques années plusieurs auteurs ont montré l’impact de l’entraînement physique sur ces réponses hormonales. Plus précisément, la concentration plasmatique en IGFBP-3 (protéine porteuse de la somatomédine ou IGF-I, défini comme un marqueur fidèle de l’hormone de croissance) est abaissée chez l’athlète surentraîné (Peyreigne et al. 1997). De même le rapport IGF-I/IGFBP3 est diminué au cours de ce syndrome (Aïssa Benhadddad et al. 1999). Puisque, les valeurs basales en IGFBP-3 sont corrélées avec la VO2max (Manetta et al. 2002a) et augmentent avec l’entraînement intensif (Manetta et al. 2003), IGFBP-3 a finalement été défini comme un marqueur potentiel de l’aptitude physique (Manetta et al . 2002a). Ainsi, alors qu’un entraînement dans des limites tolérables amplifierait la sécrétion somatotrope, une surcharge pathologique aurait l’effet inverse, bloquant celle-ci. Cependant, l’IGFBP-3, principale protéine porteuse de l’IGFI. est plus sensible au surentraînement et s’abaisse rapidement dès que le contexte clinique (et notamment le questionnaire standardisé) objective une tendance à l’overreaching. Ceci se comprend si l’on considère que l’IGFBP-3 est très sensible à l’effet de protéases qui apparaissent lors des états inflammatoires. Ainsi, l’exploration de cet axe (GH/IGF-I), quoique relativement récente, semble une voie privilégiée de la détection du syndrome de surentraînement. - Enfin, la biologie moléculaire nous permet actuellement d’aller explorer directement les fibres musculaires. Cette opportunité nous offre la possibilité d’approfondir nos connaissances dans la compréhension et l’explication des états de surmenage et/ou de surentraînement. Ainsi, l’exploration de la myogénèse et du phénomène de régénération musculaire, représenté par la prolifération des cellules satellites, semble plus particulièrement rattachée aux effets des entraînements intensifs. L’augmentation de certaines protéines musculaires régulatrices de la myogénèse (myogénine, MyoD, ou la MRF4 ) et celle de l’IGF-I, directement reliées au mécanisme de réparation observé après des phases d’entraînement intense (Psilander et al. 2003), ouvrent de nouvelles perspectives de recherche. Ces altérations musculaires, représentaient par des micro-lésions, seraient l'hypothèse à la mode du moment. Néanmoins, cette approche nécessite un véritable travail innovant plus particulièrement dans l’exploration d’athlètes surentraînés. CONCLUSION L’exploration cellulaire du muscle semble inévitable pour finaliser le diagnostic et la compréhension du syndrome de surentraînement. Toutefois, la détection du surentraînement, et plus particulièrement son état antérieur (overreaching ou surmenage), passe inévitablement par la connaissance et l'utilisation de marqueurs précoces, incluant obligatoirement l'utilisation de questionnaires spécifiques. Ce dernier point est nettement moins invasif et surtout beaucoup plus pratique, et doit se généraliser dans l'optimisation "naturelle" de la performance sportive. Ainsi, le suivi longitudinal des athlètes au cours d’une saison sportive ou pendant un entraînement imposé, nous donne un excellent moyen d’affiner la détection et la prévention du surentraînement. Bibliographie: Aïssa
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